Gaadushnor jouait son rôle de futur empereur. Il se faisait reconnaître de son peuple, ou en tout cas des colons de Syjacuse. Il n'eut pas besoin de faire de longs discours pour les convaincre de prendre les armes. Ils étaient déjà tous prêts à le faire et ils étaient enthousiastes à l'idée de rencontrer et de suivre leur nouveau chef. Il en venait de partout.

 

 

Gason Authienoüs et ses amis intimes parcouraient la vallée pour prévenir les gens les plus isolés. Alors qu'ils étaient au plus près des positions casteignanes, ils firent une drôle de rencontre.

 

-     Korydon : Hola, vieil homme ! Ne traîne pas par ici, ce n'est pas prudent !

 

-     Kadawreski : Et comme ça, tu crois que je serais prudent ?

-     Gason : Igor Kadawreski ! Vous vous êtes perdu ?

 

-     Gason : Comment ça, "vieil homme "?... Le colonel a 50 ans, 2 ans de moins que moi...

-     Korydon : Euh... Pardon...

-     Kadawreski : Seigneur Gason, j'ai eu de la chance de vous voir de loin et d'avoir été le seul ! Ce tout jeune homme ne sait donc pas que nous nous combattons sans relâche depuis notre petite trentaine et que pour autant nous sommes encore en bien meilleure forme que lui ?

-     Korydon : Si longtemps ? C'est vrai ?!

-     Gason : Mais non, ce n'est pas vrai. Nous n'avons pas toujours été en guerre avec les Casteignans et pas en continu !  Et même quand la guerre nous place dans des camps opposés, le colonel et moi avons l'habitude de ces petites pauses secrètes...  

 

-     Kadawreski : Nous sommes dans un moment comme celui-là, Seigneur Gason. Je me dois de vous prévenir. Pas par affection pour vous, mais pour la sauvegarde des centaines de civils orchidiens de cette vallée... Comme vous le voyez, Le roi Flaive a mis des moyens exceptionnels dans cette conquête. Tout ceux de son entourage, surexcités à l'idée que vous commandiez la place forte de Syjacuse, s'enflamment pour cet enjeu qui revêt tous les symboles après lesquels ils courent. Battre enfin l'Orchide qui les gêne et vous battre aussi, puisque vous les gênez encore plus.

-     Gason : C'est trop d'honneur. J'ai du mal à croire qu'ils soient animés par une logique aussi bête et radicale. Et puis ce n'est pas moi qui commande. Nous allons avoir un nouvel empereur. Il est ici et c'est lui le chef.

 

-     Kadawreski : Ah bon ? Le prince Gaadushnor ? Apparemment, personne ne sait qu'il est là. La Casteigne aime affronter des adversaires à sa mesure et elle regarde bien au-dessus de la tête d'un puceau de 16 ans, aussi frais, croustillant et couronné soit-il. Le roi Flaive vise la vôtre. 400 soldats et auxiliaires, 9 canons de campagne n'y suffisent pas. Pour reprendre les colonies du désert qu'elle a perdues à cause de vous et qu'elle n'a jamais réussi à vous enlever, la Casteigne prépare aux Orchidiens une bien mauvaise surprise en sus.

-     Gason : De quoi s'agit-il ? Est-ce que ça un rapport avec l'agitation qui semble régner sur la dune d'Apeloskour ces jours-ci ?

-     Kadawreski : Gagné ! Pendant 3 nuits, un dirigeable est venu équiper et armer l'observatoire que vous avez abandonné à notre arrivée. Nous y installons un canon...

-     Gason : UN canon ? Pour quoi faire ? Pourquoi si loin ?

 

-     Kadawreski : C'est une sorte d'arme absolue. Cette nuit, il va commencer à bombarder la ville de Syjacuse. On va droit à un odieux massacre et moi je ne fais pas la guerre de cette façon-là. Gason... Il faut qu'on se parle. Il faut informer les vôtres.

-     Gason : Je vois... Je rentre à Syjacuse pour réunir un conseil de guerre. Il faut que vous veniez vous-même exposer le problème. Pourrez-vous être ici dans 3 petites heures ? Korydon viendra vous chercher.

-     Kadawreski : Entendu. Je pourrai facilement me libérer au prétexte de patrouiller dans le secteur. J'aurai avec moi quelques hommes sûrs. 

 

Le soir venu, au forum de Syjacuse.

 

-     Gason : Eh bien mon doux et secret Encolpe... Avec tout ça, nous n'avons pas encore eu le temps de faire le point sur tes cachotteries. Deux ans... Pendant deux ans ton frère et toi vous avez caché aux yeux du mini-monde que mon neveu Catudila était bien vivant. N'as-tu donc point de honte ?

 

-     Encolpe : Du tout ! Pas une once de regret ou de honte. Catudila et Korydon s'aiment. Au point que l'ex-empereur fou et cruel s'est transformé. Et moi qui étais plus que sceptique sur sa capacité à changer, et surtout à cause du mal qu'il pouvait faire à Korydon, il a réussi à m'attendrir et me convaincre.

-     Gason : S'il a réussi ça, c'est qu'il est sincère, alors.

-     Encolpe : Je regrette seulement de ne pas te l'avoir dit. C'était un secret. Nous n'avons jamais décidé qu'il n'y aurait de secrets entre nous !

-     Gason : Parce qu'il y en a d'autres ?!?

-     Encolpe : Nooon !!! En tout cas rien d'aussi politique.

 

-     Gason : Vous avez couru de grands risques.

-     Encolpe : Et finalement, les choses ses sont tassées. Catudila n'est même plus sous la menace d'être arrêté et enfermé par son propre frère. La page Catudila-empereur est tournée. Place à Catudila-aventurier. Et amoureux de mon frère. Peut-on estimer qu'il s'est racheté de cette manière ?

-     Gason : Je n'en sais rien, je n'ai même pas envie de juger. Pas de doute, mon neveu n'arrêtera jamais de m'étonner.

 

-     Encolpe : Si l'amour en exil peut être une forme de sanction judiciaire, je veux bien que tu me condamnes, moi aussi. J'ai hâte que tout cela finisse et que l'on se retrouve à nouveau rien qu'entre nous.

-     Gason : N'espère aucune indulgence du tribunal ni la moindre possibilité de liberté sur parole.

 

 

-     Gason : Il va être l'heure de battre le rappel de nos invités pour accueillir le colonel Kadawreski. Korydon doit déjà l'avoir rejoint. 

-     Encolpe : C'est grave à ce point-là ce qui se passe ?

-     Gason : Oui. Cette guerre n'est pas comme d'habitude. Elle est en train de faire sauter tous les freins de la raison. Et les Grands ne vont pas être contents.

 

 

-     Kadawreski : J'espère vous avoir convaincus d'évacuer très vite Syjacuse. Je ne vois ici avec vous que de fidèles officiers de la IIIe Légion. Vous êtes plutôt minoritaires dans la configuration politique actuelle.

-     Gason : Nous avons encore assez d'influence pour faire bouger les choses et commencer l'évacuation de la ville de notre seule initiative. Le temps que Gaadushnor et sa suite soient mis au courant du problème, nous aurons pris des mesures. Je vous remercie, Igor. Vous êtes un adversaire honorable.

 

-     Gason : Vous avez sûrement le temps de partager un petit dîner sur le pouce avec nous ? Un peu de fraternisation interdite, ça ne fait pas de mal.

-     Kadawreski : Pourtant, nous sommes des traîtres. Mais il est vrai que bien nourris, nous assumerons encore mieux.

 

-     Gason : Regardez votre colonel Cailleuse et mon fidèle Tibias, comme ils s'entendent bien. Ils auraient pu être amis.

-     Kadawreski : Vous plaisantez ? Ils sont en train de se raconter leurs plus belles charges, leurs plus mémorables faits de bataille, ce que la fureur des combats leur a donné de mieux en effroi et jouissance.

 

-     Geldoush : On pourrait penser que la paix est conclue et que tout va bien...

-     Philêminon : Tout le monde ici a envie de se bercer de cette illusion. La réalité nous rattrapera d'ici une heure ou deux.

-     Geldoush : Il se passe quand même quelque chose de bien ce soir.

 

 

  A SUIVRE...

DANS L'EPISODE 8 CI-DESSOUS

 

 

L'avertissement de Kadawreski avait été entendu et accepté par les Orchidiens. L'évacuation de Syjacuse était cependant très lente. Ils avaient encore peine à croire qu'un si puissant canon existait et les menaçait à ce point.

A la tombée de la nuit, le général en chef casteignan inspecta la batterie prête à fonctionner...

 

 

Dans l'après-midi, Gason Authienoüs avait réuni à la villa d'Axel Menthe quelques anciens des IIIe et VI e Légions, experts dans les opérations de commandos. On connaissait la position de la batterie et on savait déjà comment l'approcher de nuit. Il fallait intervenir le plus vite possible. Une équipe de saboteurs et de soldats d'escorte était déjà en marche dans la vallée avant le premier tir du super-canon. 

 

 

-     Attention ! Attention ! Canon chargé ! Préparez-vous au tir ! Evacuation de la plate-forme !

 

-     Feu !

 

 

La ville de Syjacuse fut touchée dès le premier tir. Les autres se succédèrent avec la même précision redoutable.

 

-     Geldoush : C'est horrible ! Nous aurions dû partir plus tôt !

-     Mélaophon : Ne tardons pas davantage ! Venez donc !

 

 

 

Pourtant situés à plusieurs dizaines de mètres, de l'autre côté du cirque dunaire, les Orchidiens impressionnés virent très bien d'aussi loin l'explosion de la batterie au milieu de la nuit noire. En contrebas, on voyait aussi les incendie provoqués par le bombardement. Jamais une bataille miniature n'avait fait autant de bruit et de dégâts... Les Casteignans avaient largement dépassé la mesure habituelle ...

 

-     Gaadushnor : Voilà un beau et glorieux fait d'arme... Félicitations, Oncle Gason...

 

-     Gason : Je m'en serais bien passé. Si tu savais à quel point je suis fatigué de tout ça... Nous devons maintenant penser à la suite... Défendre une nouvelle fois le fort. Ils ne sont pas encore près de nous lâcher.

 

  A SUIVRE...

DANS L'EPISODE 9 CI-DESSOUS

 

 

Le fort de Syjacuse allait subir son deuxième assaut. Cette fois, les Casteignans avaient amené toutes leurs forces sur le terrain. Gason Authienoüs, Catudila et leur oncle Chantalladçouss dirigeaient la défense. Ils savaient tous qu'il y avait une chance très mince de repousser l'ennemi. C'était surtout un combat de retardement, pour permettre de terminer l'évacuation de Syjacuse et de réunir à Cashprix les dernières réserves d'infanterie levées par Gaadushnor. Dès que la position deviendrait vraiment intenable, l'armée devrait l'abandonner et courir vers la dune.

 

-     Général Potjevleeschovski : Messieurs ! Cette fois nous pouvons attaquer sur plusieurs fronts. Allons observer cette affaire d'un peu plus haut. Colonel Kadawreski, vous restez avec moi comme officier de liaisons avec la 2e division qui prendra les défenses ennemies par le nord.

 

-     Kadawreski : Signalez à la 2e division : les rangs devront avancer en tirailleurs aussitôt après la fin de la préparation d'artillerie sur la barricade.

 

-     Kadawreski : Ce sera vite réglé, je pense. Mais les Orchidiens ont encore une large possibilité de retraite à travers les oyats, derrière le fort.

-     Général Potjevleeschovski : Je le vois bien et c'est dommage parce qu'on ne peut pas se déployer de ce côté. Mais ce qui réussira à s'enfuir du fort à la fin de la bataille ce ne sera plus vraiment une armée. La victoire est à notre portée. Ouvrez le feu !

 

 

Le clairon donna aux batteries le signal attendu.

 

-     Catudila : Repliez-vous sur la poterne !

 

-     Gason : On ne tiendra pas plus, c'est foutu ! Catudila, emmène-les au pas de course à Cashprix ! Je commanderai l'arrière-garde !

 

-     Général Potjevleeschovski : C'est fait, Messieurs ! Je leur donne pas plus de 24 heures avant de se résigner à la reddition !

-     Kadawreski : Rien n'est moins sûr, Général. Nous tenons la vallée, mais il faut aussi prendre la dune. Que tombe Cashprix et c'est fini. Seulement à cette condition.

 

 

 A SUIVRE...

DANS L'EPISODE 10 CI-DESSOUS

 

Pendant que l'armée se rassemblait sur les hauteurs de Cashprix pour livrer l'ultime combat, les civils évacués de Syjacuse ne s'ennuyaient pas. Plusieurs dizaines de femmes, paysannes, ouvrières, bourgeoises, vestales du palais, se portèrent volontaires pour former une milice. Leur éducation militaire et assez désordonnée fut express. Même si le jeune prince Gaadushnor fut comblé de voir le succès qu'avait eu son appel à la Résistance, il fut effrayé par cet enthousiasme naïf. Il n'était pas question pour lui d'envoyer au combat des civils aussi peu préparés.  

 

 

Gaadushnor, Gason, Geldoush, Philêminion, Encolpe et Korydon s'accordèent une pause au milieu des fébriles préparatifs de défense. Tout méfiant qu'il était de la glorification de la chose guerrière, le prince sentait qu'il avait besoin de marquer un grand coup, de commettre à son corps défendant un exploit mémorable. Il fallait surprendre pour retourner une situation désespérée. Et son oncle Gason Authienoüs était le mieux place pour le conseiller dans ce domaine.

 

-     Gason : Une chose est sûre, si les Casteignans passent le col de Sassonhou, Cashprix est perdue. C'est là qu'il faut les arrêter pour les empêcher de se déployer, de former leurs lignes.

 

-     Encolpe : Il te demande conseil et finalement, il ne t'écoute même pas. Le voilà perdu dans ses pensées.

-     Gason :  Il est angoissé, même s'il réussit à rester impassible.

 

-     Geldoush : Laisse notre oncle diriger les manoeuvres. Tu ne peux pas décider de tout sur la base de tes principes qui ne sont pas adaptés à la situation. Tu n'as donc vraiment pas confiance en lui ? Tu crains qu'il te fasse, à toi aussi, de l'ombre ?

-     Gaadushnor : Je ne crains rien, pas même les Casteignans. Je suis juste consterné de voir que plus je revendique la paix, plus il faut se battre !

-     Geldoush : Oui. Pour la gagner. On ne peut pas la négocier quand on est le dos au mur : soit on lutte, soit on se rend.

 

-     Gaadushnor : Je suis d'accord : se rendre n'est pas une option. Si nous perdons, je ne serai pas empereur et je ne pourrai rien changer pour le futur. Gason, lui, restera une légende, même vaincu.

-     Geldoush : Si tu te sens à ce point en compétition avec notre oncle, essaie de la placer sur le plan de l'imagination, pas sur celui du prestige. En clair : as-tu une bonne idée ?

 

-     Geldoush : Attention !!

 

-     Geldoush : Eh bien ! Même les coquilles vides sont contre nous ! Ce n'est pas encourageant !

-     Encolpe ! Oui, elles roulaient à toute vitesse comme si elles vous visaient.

-     Gason : Arrêtez de voir des mauvais signes partout, les enfants ! Il fait si chaud et le sable est si sec et instable que tout les choses posées dessus bougent, c'est tout.

 

-     Gaadushnor : Un mauvais signe ?... Et si c'était un bon, celui-là ?

-     Gason : Ou pas un signe du tout, pardonne-moi d'être trop rationnel. En revanche, je vois bien quelle idée ces coquilles t'inspirent...

-     Gaadushnor : Puisque notre peuple est fétichiste de tout ce qui est en rapport avec la postérité, nous dirons et répèterons que c'était mon idée... En admettant que ce soit une idée bonne et utile.

 

Col de Sassouhou, le lendemain matin.

 

-     Geldoush : Les Casteignans sont presque parvenus en haut de la côte. Comment te sens-tu, mon cousin ?

-     Gaadushnor : Je me sens prêt. Solidement et infiniment prêt. Enfin, j'espère...

 

-     Catudila : Mon jeune frère est confiant pour cette ultime épreuve ! Nous vaincrons car le droit et l'imagination sont de notre côté ! Regagnons nos lignes et ayons du coeur à l'ouvrage !

-     Gaadushnor : Oui... Oui, faisons ça.

-     Gason : Il nous reste peu de temps. Quels sont tes ordres ?

-     Gaadushnor : Eh bien... Oui, allons-y. Rejoignez tous vos unités.

 

-     Geldoush : Et pour la défense de Cashprix ?

-     Gaadushnor : Attendons de voir... ce qu'il se passera ici.

-     Gason : Le mieux serait d'évacuer la population sur le versant nord et de barricader les accès encore ouverts...

-     Gaadushnor : Oui... Occupez-vous de ça. Allons-y.

 

    

 

L'armée casteignane, forte de plus de 200 hommes, atteignait le petit plateau qui montait en pente douce vers Cashprix. C'était là le col de Sassonhou.

 

-     Général Potjevleeschovski : Très bien ! Nous sommes quasiment dans les temps ! Le siège de Cashprix pourra être mis pour midi.

-     Kadawreski : Je doute que les Orchidiens nous laissent approcher. Même diminuées, leurs forces peuvent encore nous bloquer le passage sur le col. C'est ce que je ferais à leur place.

-     Général Potjevleeschovski : Vous et votre pessimisme ! Votre invincible Gason Authienoüs a déjà perdu ! Ne le voyez pas plus fort qu'il ne l'est.

-     Kadawreski : Il a de la ressource. D'une manière générale, Mon Général, il ne faut jamais sous-estimer les Orchidiens.

 

 

-     Gaadushnor : Allez-y !

 

 

Des dizaines de coquilles roulèrent sur la pente vers la partie la plus étroite du passage où les premières unités casteignanes étaient engagées. D'autres Orchidiens poussaient devant eux une avalanche de sable fin et déjà brûlant.

 

-     Général Potjevleeschofski : Repliez-vous ! Formez les lignes !

 

 

L'armée orchidienne déferla ensuite sur ses adversaires désorganisés.

 

-     Général Potjevleeschofski : Sortez ces abrutis du sable ! Formation en carré ! Où sont vos canons ?

-     L'officier : L'artillerie est ensablée, Général !

 

 

La mêlée était confuse. Les Orchidiens avaient réussi à empêcher les Casteignans de manoeuvrer pour se mettre en position défensive. 

 

-     Kadawreski : Général ! Il faut sonner la retraite, courir vers le bord du plateau et redescendre par le même chemin !

-     Général Potjevleeschovski : Hors de question ! Formez le carré ! Formez le carré !

 

-     Kadarawreski : C'est trop tard. On ne peut plus rien faire.

 

-     Gason : Vous, sonnez la fin de la partie !

-     Le soldat casteignan : Mais... Monsieur...

-     Gason : Si-si, faites-le ! Et vous verrez, tout va vite s'arranger !

 

 

La bataille était terminée. Chacun resta à sa place, figé, essoufflé, silencieux.

 

-     Gaadushnor : Je suis le Prince Gaadushnor Authienoüs, le nouvel empereur d'Orchide. Vous avez défendu votre honneur, mais il est temps maintenant de vous rendre et que nous nous parlions un peu. Y consentez-vous ?

-     Général Potjevleeschovski : ...Oui, Votre Majesté.

 

A SUIVRE...

DANS L'EPISODE 11 CI-DESSOUS      

 

 

 

La tempête était passée. Les Casteignans s'étaient retirés et les Grands Protecteurs avaient agi comme on s'y attendait. Effrayés par l'ampleur de cette guerre et surtout par les explosions nocturnes, ils étaient venus ramasser les troupes pour les ramener dans le Jardin Secret et démanteler la cité de Syjacuse. La vallée devait être dégagée de toute installation miniature trop voyante. Seule la petite cité de Cashprix et l'ancienne villa d'Axel Menthe, mieux cachées aux yeux d'éventuels Grands promeneurs au sommet de la dune, étaient maintenus en place.

 

 

Avec la rapide érosion du rivage par le cours de la rivière et les grandes marées, le risque était de plus en plus grand d'exposer les mini-colons miniatures aux yeux ébahis des Grands qui ignoraient leur existence (c'est à dire tous, à 15 exception près dans toute la région de Berck).

On se demandait même si, à moyen terme, les marées n'allaient pas finir par se déverser dans les pâturages et les champs à l'ouest de Groffliers, derrière le cordon dunaire de plus en plus sinistré, à cent mètres à peine... Et à 3 mètres sous le niveau de la mer. Or dans ce secteur il y avait justement... Le Jardin Secret d'Arrochelle.

 

(les 2 photos ci-dessus sont extraites de la page Facebook de l'association SOS Baie d'Authie : https://www.facebook.com/sosbaiedauthieadcmba/ )

 

-     Gason : Voilà... Les Grands ont fait le ménage. Nous avons abusé, semble-t-il...

-     Geldoush : Quel dommage ! Je me plaisais bien ici ! Est-ce que ça vaut le coup de rester, maintenant ? Puisque nous ne reverrons pas Syjacuse.

-     Gason : Le beau rêve insouciant d'une communauté miniature qui vivrait au grand jour si près des Grands ? Il était déraisonnable. Il ne reviendra pas. Je n'en reviens pas d'y avoir cédé moi aussi...

-     Encolpe : Ce n'est pas étonnant. On peut se lasser de vivre continuellement caché. Alors le désir de liberté, soutenu par l'audace...

-     Gaadushnor : C'est un mal pour un bien ! Nous nous sommes bien enivrés de liberté et nous en avons suffisamment fait de réserves pour tenir quelques années de plus dans nos confins discrets.

 

-     Gaadushnor : Notre destin n'est pas dans l'expansion, c'est tout. Mon oncle, je vais rentrer en Orchide. Il faut que règles les derniers détails pratiques qui concernent Cashprix et la perte définitive de son importance illusoire. Plus jamais le désert ne doit être l'enjeu d'une guerre. Nous n'avons pas besoin des guerres, ni pour la conquête, ni pour les gloires personnelles, ni pour le sport... Tu seras bien occupé dans les prochains mois. Il y a tant de nos traces à effacer un peu partout...

-     Gason : Tu vas encore dire que c'est moi qui excite nos ennemis et qu'il vaut mieux que je me fasse tout petit...

-     Gaadushnor : Je me dis que nous devons réparer nos erreurs, notre défaillance collective. J'aurais aimé que mon frère ait ça aussi à l'esprit...

 

-     Gason : Catudila m'accompagnera en mission. Comme ça, il sera tout petit aussi, selon tes voeux. Dites-moi... Suis-je une sorte de proscrit ?

-     Mélaophon : Le fait est, Seigneur Gason, que malgré toi tu attires la tempête...

-     Gason : Tu veux dire que je fous le bordel ?

-     Gaadushnor : Le fait est surtout que nous avons besoin que l'on nous oublie un peu... Moins nous attirerons l'attention ici, mieux ça vaudra.

 

-     Gason : Ta charge sera lourde, Mon Neveu, elle tournera presque entièrement autour de ce souci. Je n'ai pas d'objection à cela. Je partirai après-demain à l'aube, le temps de former la colonne. Désolé, je ne serai pas à ton couronnement...

-     Gaadushnor : Ce n'est pas grave. Ce n'est qu'un moment protocolaire obligé que je rendrai le moins vaniteux possible. Bon voyage, Mon Oncle.

 

-     Mélaophon : Ne regrettez point tout ceci ! En effet, ce n'était que vanité, celle de Catudila en l'occurrence. Bon voyage, Seigneur Gason. N'hésite pas à prendre tout le temps dont tu as besoin.

-     Gason : Merci, Mélaophon. Tu es toujours très prévenant et délicat dans ton hostilité envers les gens, j'aime beaucoup ça !

 

-     Geldoush : Quelle engeance de ministre sournois ! Il me met très mal à l'aise.

-     Encolpe : Il nous chasse carrément, cette ordure !

-     Gason : Allons, du calme. Il sera un bon garde-fou pour mon neveu. Du moins au début. J'ai la tête ailleurs, je suis déjà en chemin par les dunes et la forêt, les enfants ! Geldoush, en vertu des pouvoirs de gouverneur qui me sont conférés pour quelques minutes encore, je te nomme gouverneur par intérim. Toi, mon bel Encolpe, et ton frère Korydon, vous ferez comme d'habitude : agents de liaison entre la colonne et la base. Ainsi, Catudila et moi ne serons point trop privés de nos doux amants respectifs !

 

-     Gason : Une nouvelle aventure commence, les enfants. Elle ne sera que pour nous celle-là.

 

La colonne expéditionnaire du prince Gason se forma rapidement avec des porteurs et des soldats volontaires, presque tous issus de la IIIe Légion. Le jeune ex-empereur Catudila, transformé par l'amour de et pour Korydon et la vie simple en plein air, ne se fit pas prier pour jouer lui aussi au proscrit. Il n'attendait que ça.

 

-     Catudila : Quelle fête, quelle allégresse, Mon Oncle ! On pourrait croire que nous partons en vacances !

-     Gason : Nous en avons bien besoin, non ?

-     Chantalladçouss : Quand même, n'oubliez pas d'être prudents ! Sinon vous n'arriverez jamais comme moi à 75 ans !

-     Catudila : J'ai déjà une certaine expertise de l'exil et de la vie sauvage dans le plus complet dénuement ! Et nous ne sommes pas si seuls que ça !

 

-     L'officier : Non, vous n'êtes pas seuls, Mes Seigneurs. A mesure de votre progression, vous établirez un bivouac aux endroits marqués sur les cartes. Dans quelques jours, je pourrai y poster des petites garnisons et des vivres, que vous récupérerez sur le chemin du retour.

-     Gason : Parfait. Excellente organisation.

 

-     Kadawreski : Bonjour ! Est-ce qu'il y a une place pour moi ?

-     Gason : Colonel ! Mon ennemi préféré ! Que faites-vous là ?

 

-     Kadawreski : Foin des chichis, appelez-moi Igor ! Figurez-vous qu'à force d'avoir toujours raison, la totalité de mes supérieurs, ce qui inclut celui qui a une couronne pas très méritée sur la tête, a fini par m'en vouloir. Mon dernier entretien avec les généraux fut glacial et de très mauvaise foi... Alors j'ai démissionné et j'ai laissé tous les autres partir. Il paraît que vous aussi vous êtes puni ? Je peux me joindre à vous ?

-     Gason : C'est une bonne idée ! Il fallait bien qu'un jour, on cesse de s'affronter pour travailler ensemble.

 

-     Encolpe : Je te rejoindrai dans 6 jours, mon grand et beau seigneur qui ne tient pas en place...  Au bivouac numéro 2, à l'orée de la forêt.

-     Gason : C'est si beau d'être à l'orée de tout, mon chéri. Je t'y attendrai, avec toute ma jeunesse retrouvée pour faire pâlir la tienne !

-     Encolpe : Tu as l'aventure et les dunes dans le sang, ça ne fait aucun doute !

-     Gason : Et tu es mon air libre, mon air marin vital qui viendra de l'ouest. Viens... Avant le départ, allons ensemble prendre une bonne respiration...

 

Ce jour clair de la fin septembre vit à nouveau, au ras du sol, le destin de Gason Authienoüs s'accomplir. La frêle expédition exposée à tous les dangers de la nature indomptée marchait avec une gaité invincible. Aucun empereur, aucune politique ne pouvait leur enlever le bonheur qu'ils éprouvaient alors. Rien ne pouvait entamer leur optimisme.

Gason n'avait jamais souhaité une autre gloire que celle-là. Catudila, si. Mais il avait dû s'adapter et il y arrivait très bien. Peu à peu, le neveu de Gason devenait un ami. 

 

 

 

10 jours après la bataille...

 

Gaadushnor avait quitté les colonies de la baie d'Authie et était rentré chez lui. Ce soir-là, il déambulait pensivement dans le  palais de Katapigone, en compagnie de Mélaophon. Il allait bientôt être proclamé empereur d'Orchide par la régente Bulotricia, en remplacement de son frère Catudila et avec l'approbation du Sénat.

 

-     Gaadushnor : Mon règne devra être celui de la paix, des moeurs sages et de l'ordre. Si on nous laisse faire... Je sais bien ce que vous pensez tous... Si les problèmes devaient revenir, c'est mon oncle Gason que vous verriez comme recours naturel pour les résoudre. Je suis trop jeune pour prendre toute la charge à moi seul et nous aurons peut-être encore besoin de ces héros charismatiques qui nous encombrent.

 

-     Mélaophon : C'est vrai, Mon Prince. Nous avons besoin de héros comme tes oncles Gason et Yadêmokyblès. Pour ta tranquillité, tu pourrais les garder à distance avec l'os à ronger qui les distraira au mieux. Mais pas trop loin toutefois pour les mettre en première ligne en cas de nécessité, ce qu'il feront avec le courage, le désintéressement, le sens du devoir qu'on leur connaît... Ta génération, je veux dire celle de ton cousin Kentovic et de ton frère Catudila n'ayant pas, et c'est peu dire, brillé par son équilibre et sa sagesse, c'est sur celle d'avant que tu dois te reposer. Tu n'égaleras peut-être jamais leur popularité, tu ne seras peut-être jamais une légende comme eux...

-    Gaadushnor : Une légende ? Je n'y tiens guère. C'est totalement contre mon tempérament et mes principes.  

 

-     Gaadushnor : Tu as raison. Je leur laisse la gloire passée, présente et future. Pour le cas où elle pourrait resservir... Pour le bien de l'Orchide. Occupons-nous plutôt de bâtir un nouveau mini-monde.

 

-     Gaadushnor : Yadêmokyblès a déjà son os : il est roi d'Authiegane. Faites envoyer un message à Gason. Il sera rétabli dans ses fonctions de gouverneur de Cashprix. Enfin, ce qu'il en reste. C'est le plus loin que je peux faire et déjà, en faisant ça, je transgresse un peu les nouvelles recommandations des Grands...  Mais après tout, les Sablonautes sont aussi des experts en discrétion.

 

 

La vie reprit son cours dans la douce Orchide. Bien loin des nouvelles préoccupations impériales autour des supposées bonnes moeurs, les gens s'adonnaient de nouveau aux plaisirs et à la douceur de vivre en général. Comme si les amples mouvements de balancier ne concernaient que les sphères politiques, le peuple, lui, traçait sa propre route et résistait à tout. Rarement les Thermes de Katapigone n'avaient été si fréquentées et par un public aussi gai et libéré. Enfin, si. Cette détente générale et joyeuse revenait après chaque victoire du héros Gason Authienoüs. 

 

 

Le 20 octobre, eut lieu le couronnement de l'empereur Gaadushnor.

 

 

 

Sitôt proclamé et investi de ses pouvoirs, Gaadushnor rendit visite à son allié, le roi Cancho de Gravière, accompagné du roi Seugahalmemnon de Bourdon-Silice et de la reine Tuvamkiteh, sa cousine. A son grand déplaisir, tout le monde lui demanda des nouvelles de Gason. Il n'en avait pas. Le prince était trop occupé à courir les bois avec ses fidèles compagnons de si longue date.

 

 

Le prince Gason voyageait à un rythme tranquille, détendu. Il était à nouveau libre, léger, rêveur, aventurier. Mais il avait aussi pour mission de rapatrier les colons isolés sur Cashprix puis l'Authiegane, les seuls lieux discrets et sécurisés, en vertu du nouvel accord passé avec les Grands et grâce au soutien de la République d'Arrochelle.

 

 

Gason Authienoüs était toujours le héros simple et naturel que tout le monde aimait, il était toujours le chef des Sablonautes, ses seuls vrais amis et les plus proches depuis plus de 30 ans.

Et ce pays était le sien. Il n'était heureux que là.

 

 

 FIN

11 décembre 2018