-
Episode 8 : La passion et la révolte
Dame Latêtokaré et son fils Quintovic gardaient un oeil attentif sur leur prisonnier. Ils étaient perplexes en le voyant si changé. Sa détention semblait beaucoup l'amuser.
Les dernières nouvelles d'Authiegane leur apportèrent le signal qu'ils espéraient.
A midi, Catudila déjeunait avec ses co-détenus dans le Salon de Nacre.
- Mékilêkon : Votre Majesté, nous devons évacuer Cashprix. Votre oncle Gason a pris la tête d'une sédition de deux compagnies de la IIIe Légion qui ont pris leurs positions dans la vallée. Pour votre sécur...
- Catudila : Ah. Une sédition. Une de plus. Et que fait cette brave ordure de Juskalos ? Où est-il ?
- Mékilêkon : Il semble que les Hédoniens aient tenu une autre division en réserve dans la forêt et elle serait en marche vers l'Authiegane. Le général va l'intercepter avec la VIIe. Ne vous leurrez pas : ça ne change rien pour vous. Si ce n'est un bref déménagement, le temps que tout rentre dans l'ordre. La VIIIe est déployée dans la vallée. L'impératrice est en Authiegane où elle va se faire reconnaître souveraine par l'armée et le roi Quintovic. Et les Hédoniens subiront leur humiliation finale.
- Catudila : En attendant, ils ont été plus malins que nous. Ils nous ont éloignés vers le nord pour garder la possibilité d'investir l'Authigane, même en cas de défaite à Cashprix. Nos forces sont divisées, éparpillées, vous devez lutter sur deux fronts... C'est pour vous que les choses vont changer, ridicule larve d'un petit pouvoir illusoire.
- Catudila : C'est le moment, Korydon. Tu dois partir. Ils vont venir nous chercher car un gros vent de panique s'est levé. Avant de se sauver vers l'Authigane, Dame Latêtokaré et son stupide rejeton vont vouloir faire place nette ici...
- Korydon : Seigneur, je ne peux pas vous laisser !
- Catudila : Bien sûr que si tu peux, tu ne m'aimes pas. Et que veux-tu faire pour entraver le cours de la mini-histoire de notre mini-peuple. Sais-tu bien qui tu as en face ? L'impératrice, la marquise de Plessis-Radasse et Dame Latêtokaré. Toutes des femmes dignes, compétentes et ambitieuses qui me doivent leur position, dont deux lesbiennes et une mère qui couche avec son fils... C'est dire si le folklore de la dynastie est sauvé ! Que peut faire un jeune et sage coureur du désert aux goûts simples contre une telle meute ?
- Korydon : Tu te moques encore de moi...
- Catudila : Oui, ça me distrait. Vu le contexte, c'est pas inutile. Et tu es si beau quand tu fais cette moue boudeuse.
- Catudila : Tu veux encore être investi d'une mission pour sauver la part de moi qui t'intrigue tant ? Alors si tu tiens un tout petit peu à moi, fais ça : cours rejoindre mon oncle Gason Authienoüs. Avec du coeur et de la chance, vous arriverez en force pour contrarier le plan funeste des harpies. Mais Gason aura-t-il du coeur et de la chance à gaspiller pour moi ? Pour nos malheureux compagnons, oui, sûrement.
- Korydon : Il en aura ! Je reviendrai vite avec lui et ses hommes et nous monterons à l'assaut !
- Catudila : Embrasse-moi et faufile-toi. Tu sais quoi faire.
- Catudila : Vous revoilà, tous les deux ! Quelle mine infecte vous avez ! Seriez-vous contrariés ?
- Dame Latêtokaré : Nous le serons moins quand nous aurons gagné un abri convenable, sur les hauteurs de Mont-Sandy.
- Catudila : Un jour, votre frénésie d'atteindre des sommets à tout prix vous perdra.
- Quintovic : Nous partons maintenant. Garde ton souffle, mon cousin, nous avons deux bonnes heures de marche à faire.
- Catudila : Deux heures ?! Je n'en espérais pas autant de vous !
L'officier Lafotaki ordonna fermement à l'ex-empereur de sortir. On ne se souciait même plus de lui montrer le minimum de respect.
Korydon était parvenu assez vite à rejoindre Gason Authienoüs à son campement. Il s'apprêtait justement à en partir, sur la base d'informations données par un officier de la compagnie de la Garde de la IIIe Légion c'était en effet la panique à Cashprix et en Authiegane et on était inquiet de la réaction de comploteurs.
Gason rejoignit sa légion improvisée, qui s'était agglomérée autour de lui pendant les trois jours précédents.
Ces hommes rudes mais honnêtes, presque tous au nombre des tout premiers compagnons de Gason lors de ses premières aventures quand il avait 20 ans, étaient tiraillés par un terrible cas de conscience : ils avaient compris que les chefs de l'armée les avaient abusés jusqu'à leur faire commettre la faute suprême, la trahison. Complices et acteurs de l'arrestation de l'empereur, les guerriers étaient maintenant prêts à se rebeller contre eux-mêmes.
Gason était arrivé à point nommé pour les rassurer et les rallier à sa cause.
Korydon confirmait les craintes de Gason : il s'agissait à présent d'empêcher le meurtre de tous les prisonniers de Cashprix. Le prince avait des forces réduites mais suffisantes pour tenter le coup de force. Le reste de la IIIe Légion n'était pas là. Ces hommes, qui n'avaient d'ailleurs pas manifesté de remords, étaient partis depuis plusieurs jours pour convoyer les nombreux blessés et les prisonniers hédoniens vers l'Authiegane. La place de Cashprix était à présent vulnérable.
- Gason : Messieurs, c'est le moment ! Pour l'honneur et le droit !
La colonne des prisonniers de Cashprix avançait péniblement dans le sable devenu trop sec et fin.
Il était 11 heures du matin et le sol était déjà brûlant. Les mini-gens avaient le sentiment d'être en train de cuire.
- L'officier Lafotaki : Arrêtez tous de souffler ! Oui je sais, il fait chaud et il fait chaud pour tout le monde ! Nous allons faire une pause, rassemblez-vous là, en bas ! Commencez à déblayer le sable de surface pour nous trouver un semblant de fraîcheur ! Toi aussi, l'empereur !
- Quintovic : Hazemnout va nous haïr. Elle comptait sur le retour de son mari dans une cage de fer. C'est nous qui finirons dedans ! Qui te dit qu'elle n'avait pas prévu que nous fassions cette erreur qui au fond l'arrangerait bien, et qu'elle attend ça pour se débarrasser de nous aussi ?
- Dame Latêtokaré : Bien sûr que ça l'arrangerait, idiot ! Crois-moi, elle a bien d'autres fourmis à fouetter en ce moment ! Elle a plus urgent à faire que de s'en prendre à nous ! Il y a encore la nécessité d'être unis et interdépendants. Par chance, c'est ton royaume que les Hédoniens sont en train d'attaquer et elle s'y trouve quasiment assiégée. Juskalos va réparer tout ça et nous arriverons en sauveurs de la situation, alors qu'elle n'aura rien fait d'autre que brouter sa marquise et paraître pour se faire applaudir... Hazemnout a besoin de nous, nous avons besoin d'elle. Mais personne n'a besoin de Catudila.
- Hilvaotafantong : Seigneur... Nous ne sommes pas du tout en train d'escalader le Mont-Sandy... Je crains le pire.
- Catudila : J'espérais que notre aide arriverait plus vite... Plutôt que de craindre, Secrétaire, prépare-toi à courir.
A peine l'empereur avait-il achevé sa recommandation qu'un ordre de mise en joue prononcé sèchement par Mékilêkon fit se retourner tous les prisonniers.
Le médecin Bruant d'Armoise, blessé, tomba et roula aux pieds de Catudila, manquant de le faire choir aussi. Il se releva pour glisser encore de quelques pas sur la pente et tomba à nouveau, définitivement.
- Catudila : Hilvaotafantong, par ici !
Le fidèle secrétaire tomba à son tour... Catudila ne comprit pas tout de suite. Le grouillot impérial, son élément de décor le plus familier depuis deux ans, d'une compétence et d'une empathie inégalées dans le premier cercle du souverain, capable de traduire son moindre souffle en mots et en actes, ne pouvait pas tout à coup être cette chose inerte et molle...
Pour la première fois de sa vie, Catudila se sentit désemparé. Très ému et très effrayé, il se rappela qu'il était encore vivant, et qu'il devait courir vers les broussailles pour le rester.
- Quintovic : Mékilêkon !! Arrête de le chercher !! Rassemble tes hommes !! Gason arrive, il nous attaque !
Gason Authienoüs avait réussi à tromper la vigilance des unités de la VIIIe Légion placées sur son chemin et avait rejoint le groupe des comploteurs. Malheureusement, cette manoeuvre le fit arriver trop tard. Le crime était déjà commis. Il ne restait plus à Gason qu'à capturer les criminels, autrement dit, un général d'un peuple allié de l'Orchide, Mékilêkon, et surtout l'ex-femme de son frère et leur fils...
On ne choisit pas sa famille.
- Gason : Chère belle-soeur... Cher neveu... Considérez-vous comme des grosses bouses en état d'arrestation.
- Yadêmokyblès : Ex-belle-soeur... ça fait 15 ans que nous sommes divorcés, je te rappelle... Lui en revanche, il n'est pas mon ex-fils. Mais ça me fait une belle jambe.
- Dame Latêtokaré : Mon cher Gason, mon ami...
- Gason : Taisez-vous. Vous serez jugés, mais pas par moi. Alors ne me parlez plus.
- Yadêmokyblès : Il a raison : vous êtes des grosses bouses. Rien ne me ferait plus plaisir, mais nous n'allons pas vous enfermer tout de suite. On vous expédie par le moyen le plus rapide, avec nos éclaireurs, en Authiegane où vous porterez un ultimatum à Hazemnout. Là-bas, vous aurez le choix entre vous faire massacrer par elle, ou par les Hédoniens, s'ils attaquent la colonie...
- Dame Latêtokaré : Yadêm...
- Quintovic : Tais-toi, Maman...
Catudila avait gravi le Mont-Sandy sans s'arrêter pour souffler et était redescendu sur le versant opposé. Il avait quitté l'écrin de Cashprix pour entrer dans le monde sauvage. Il était seul dans le désert. Le riche et puissant souverain d'Orchide errait presque nu dans cette nature immense et hostile.
On pouvait penser qu'après avoir échappé à tout, l'empereur criminel se voyait rattrapé par une justice des circonstances...
A SUIVRE...
DANS L'EPISODE 9 ET DERNIER CI-DESSOUS
-
Commentaires